« The one that got away », l’illusion du regret ?

Flashback : nous sommes en 2010, et Katy Perry hurle son désespoir dans nos écouteurs, pleurant cet homme qui était son oxygène, l’irremplaçable, le grandiose ; quelqu’un qui défie la gravité. Spoiler alert : ce n’était pas lui, the one that got away.
Pour autant, on l’entend et on compatit, parce que le concept transcende les générations, et chacun a déjà en tête le personnage qui se cache derrière ces mots.

Mais le mirage existe-t-il vraiment, ou cache-t-il une autre vérité ?

Pour les non-initiés, the one that got away (TOTGA) se réfère à la personne la plus géniale que vous n’aurez jamais — ou plus jamais.
Ma meilleure amie a eu ce garçon « parfait » à un moment — ce n’est pas elle qui le dit, mais la société. Sur le papier, il était digne d’une utopie, et encore aujourd’hui, des années après la rupture, son entourage le mentionne toujours, lui rappelant sans cesse que c’est lui, TOTGA. Entre autres, elle vit dans une bulle qui condamne tous les prochains hommes à rester dans son ombre.
Autre lecture possible : TOTGA est l’être qu’on a juste effleuré. Ce mec, amoureux transi de vous au lycée, que vous avez snobé en préférant un loser qui vous a trompée. On raconte qu’il est devenu médecin, d’ailleurs (oups). Ou cette collègue rencontrée après votre mariage, qui vous correspond en tout point. Hélas, elle ne peut rester que dans la catégorie « fantasme de séminaire », car vous êtes quelqu’un de bien, même si vous luttez contre une alchimie indéniable (et votre libido).

Voici la zone de tension : l’imaginaire. Ce gendre parfait dont vos parents refusent tout remplacement, vous ne pouviez plus vous l’encadrer. Ses goûts en matière de musique ? Atroces. Sa façon de déglutir quand il buvait son thé ? Insupportable. L’idée de passer l’été dans sa maison de famille dans le Lavandou aux côtés de sa mère ? Je vois d’ici une plaque d’urticaire. Pourtant, il est hissé au rang d’élu des dieux, et même vous, vous y croyez.
Quant à cette fameuse collègue, c’est toute la magnificence que vous avez inventée autour d’elle — pas elle — qui vous a séduit. Au point de transformer votre pauvre épouse en point de comparaison involontaire, qui, elle, n’a rien demandé.

Où cet article veut en venir, c’est que le vide se nourrit de ce qu’on lui donne. Donnez-lui l’image de la perfection, celle dans laquelle vous n’êtes pas, et il se gorgera de votre frustration pour vous dévorer.
Prenons tous un pas en arrière pour souffler et rendons-nous compte qu’il n’existe pas de regret d’une vie. TOTGA est un rêve, la légende que l’on se raconte pour sublimer le passé et fuir ce qui est à notre porte. C’était beau, c’était tendre, c’était vivant (quoiqu’ennuyant, n’est-ce pas ?), mais c’est parti. Ciao.

La prochaine fois qu’un prénom a l’odeur du regret, souvenez-vous qu’il n’est pas TOTGA, ne l’a jamais été. Il était juste TOTVAARA : the one that vous a appris à regarder autrement.

Si vous n’êtes pas d’accord, rappelez-vous simplement que Katy a écrit cette chanson pour Josh Groban (qui ?), et qu’aujourd’hui, elle flirte avec Justin Trudeau. À vous de tirer la conclusion.